Titre de la thèse
En quête de Street Workout : Ethnographie d’un spot de référence comme «art de résistance » et d’ « éducation populaire » dans un quartier populaire strasbourgeois.
Date
29 septembre 2023
Membres du jury
DIRECTEUR DE THESE
RAPPORTEURS
- Marie-Carmen Garcia, Professeure des universités, université Claude Bernard Lyon 1
- Éric Perera, Maître de conférences, Université de Montpellier
AUTRES MEMBRES DU JURY
- Aurélia Mardon, Maîtresse de conférences, HDR, université de Lille
- Vincent Berry, Maître de conférences, HDR, université de Paris Nord
Résumé
Le Street Workout provient de la rue et des États-Unis. Il s'agit d'une forme d’entraînement au poids du corps dont le principe est de s'exercer avec le mobilier urbain immédiat, sans dépendre de salles de musculation et de leurs installations payantes. Plus qu’une technique du corps, le mouvement du street workout connaît un essor en 2008 aux États-Unis grâce à la diffusion d’une vidéo sur YouTube. Véritable phénomène, la vidéo du premier workouter « Hannibal For King » attire des passionnés, dont les jeunes des « quartiers populaires » français. Ils s’engagent dans le street workout aux alentours de 2010. Cette pratique entre musculation au poids de corps et gymnastique informelle émerge comme un nouveau mouvement d’éducation corporelle et populaire soutenue par les réseaux sociaux et l’avènement des compétitions « battle freestyle ».
Cette thèse pionnière en socio-anthropologie s’inscrit dans le champ de recherche sur le « sport dans les quartiers » (Gasparini & Vieille-Marchiset, 2008). Elle poursuit l’objectif de documenter cette nouvelle activité, mais également le territoire du quartier populaire et sa jeunesse comme producteurs de cultures urbaines innovantes. Faite entre 2016 et 2019, cette enquête s’inscrit dans la lignée de l’ethnologie urbaine de l’ « École de Chicago » et d’une ethnographie contemporaine. Cette investigation par immersion est menée au sein d’une communauté de street workout implantée dans le centre social d’un quartier périphérique strasbourgeois : l’Elsau. Ce quartier d’environ 8000 habitants est classé « quartier prioritaire de la politique de la ville » (QPV). Dans ce contexte d’un quartier souvent perçu de manière « négative » en raison de sa population, de ses faits divers et de sa maison d’arrêt, le centre socioculturel présent depuis les années 1970 fait office de structure objectivant une tradition de « résistances » et d’ « éducation populaire » pour le quartier.
Dans cette veine, cette ethnographie multi-focale intégrant des outils multimédias étudie donc la façon dont cette jeunesse populaire arrive à se saisir de cette pratique et de cette subculture « street workout » émergente comme « art de résistance » et forme d’« éducation populaire » pour développer une organisation originale. Il s’agit alors d’éclairer les modalités par lesquelles ces acteurs, bien que doublement dominés par la classe sociale et leur appartenance ethno-raciale, parviennent à former un collectif, relativement organisé, en dépit de faibles ressources économiques, sociales et culturelles.
Dans cet espace d’éducation corporelle et populaire, cette enquête analyse également les logiques d’apprentissages informels par corps. L’étude de ces logiques sont reliées au processus de construction des identités masculines populaires dans un espace où se rassemble une jeunesse issue des quartiers mais aussi d’autres territoires marqués par les classes populaires urbaines.
En outre, entre la dimension locale d’un quartier populaire face aux épreuves de son contexte et un mouvement global du street workout en quête de reconnaissance, cette enquête explore et interroge l’importance des quartiers populaires dans la construction de cultures urbaines innovantes. En ce sens, ces workouters menés par un fondateur doté d’un « habitus de survie » perpétue une tradition de résistances et de quête de dignité d’un quartier populaire strasbourgeois par l’implantation d’un « spot » de référence dans un contexte de rénovations urbaines.