IDEX AP et temps sociaux

Activité et inactivité physique : repérer ces moments pour mieux agir

L’objectif de ce projet est de chercher à analyser l’évolution de l’activité physique dans une période de transition marquée par le passage du lycée à l’université dans différents pays de l’union européenne. Dans chaque pays concerné, les lycéens sélectionnés se verront équipés d’un actimètre et devront remplir un carnet de bord d’activité physique sur une période d’une semaine. La seconde année, un suivi longitudinal de cette population sera effectuée afin de mesurer les éventuelles évolutions, et de chercher à les référer aux bouleversements dans l’organisation quotidienne. 

Résumé du projet

Le taux de décès dû aux maladies non transmissibles représente près de 71% des décès dans le monde (World Health Organisation, 2018). Le manque d’activité physique (AP) est la quatrième cause de mortalité du total de ces décès. Une quantité d’AP suffisante est un moyen efficace de maintenir une bonne santé physique et mentale. Cette « quantité suffisante » est définie comme étant 1h par jour pour les 6-17 ans et 30 minutes pour les 18-64 ans d’activité d’intensité modéré à intense (World Health Organisation, 2018). Selon cette définition, environ le quart des hommes et le tiers des femmes ont une activité physique insuffisante en France. D’un autre côté, l’inactivité physique (IP), définie comme étant l’activité physique engendrant une dépense énergétique inférieure à 1.5 MET, est également un facteur influençant négativement l’état de santé, indépendamment du niveau d’activité modéré à intense (Gibbs, 2014 ; Rezende, 2014).

Différents facteurs favorisent ou au contraire inhibent l’engagement dans l'activité physique. Vieille-Marchiset et al. (2018) montrent que le manque de compétence fait obstacle à la pratique d'une AP. Le niveau de soutien des pairs (Van der Horst et al., 2017 ; Holfelder et al., 2014), la disponibilité et la proximité des lieux de pratique (Remmers et al., 2016), mais également la possibilité ou non d’organiser un temps de pratique sont des facteurs corrélés avec le niveau d’AP. Cependant le déclin global de l’AP malgré des politiques publiques d’accès à la pratique sportive (Deguilhem, Juanico, 2016 ; ONAPS, 2016 ; Esen, 2017) conduisent à envisager la quantité de d’AP et d’IP comme émergeant de l’interaction de contraintes individuelles, socio-environnementales et économiques (Bungener, Ulmann, 2006 ; Leclerc et al., 2008 ; Lang, 2011 ; Moleux et al., 2011). Considérer AP et IP séparément sous l’angle de la complexité permet de comprendre leur évolution tout au long de la vie. Si le niveau d’engagement durant l’enfance et l’adolescence est un bon prédicteur du niveau d’engagement futur (Varma et al., 2017), les événements de la vie, notamment ceux liés aux changements de statut, sont susceptibles de modifier l’AP (Allender et al., 2008). C'est pourquoi étudier le passage du lycée à l'université comme un moment singulier de recomposition de son mode de vie permet d'aborder les facteurs qui pèsent à la fois sur l'AP et sur l'IP. Cependant ces changements de statut ne sont pas vécus de la même manière en fonction des cultures d’origine. Van Velde (2008) montre en effet des typologies de préoccupations différentes entre Français, Scandinaves et Anglais, ce qui est susceptible de modifier la manière dont sont vécues ces transitions. Aucune étude ne caractérise, à notre connaissance, les bouleversements temporaux engendrés par la fin des études secondaires sur l'AP.

Objectif du projet

L’objectif de ce projet vise à dépasser les approches actuelles centrées sur une vision biomédicale et épidémiologique de l’AP, mais de les envisager comme une mise en mouvement dans un environnement spatial, temporel et relationnel donné. L'AP est reliée aux opportunités de pratique dans un environnement social et culturel donné. Il ne s’agit pas seulement d’identifier les moments propices, les durées de pratique ou les cycles d’activité, mais les relier aux conditions socio-temporelles des pratiques qui lui donnent sens. Dès lors, AP et IP sont rattachées aux temporalités vécues de l’acteur, à ses expériences temporelles du quotidien. Autrement dit, nous considérons « la réalité des temps vécus par les groupes, c'est-à-dire la multiplicité des conduites temporelles et des représentations du temps liées à la diversité des situations sociales et des modes d'activités dans le temps » (Mercure, 1995, p.13). Cette définition s’inscrit dans le « travail de particularisation du temps », clef de voûte d’une science du temps en constitution, dans laquelle chaque acteur est animé d’une « équation temporelle personnelle » (Grossin, 1996). En prenant les pas de Elias (1997), il s’agit de dépasser la vision linéaire du temps (chronos) pour privilégier l’idée d’opportunités temporelles (kaïros). En d’autres termes, nous reprenons à notre compte l’idée du passage d’un temps quantitatif à une temporalité qualitative, distinguant notamment temps faibles et temps forts de l'AP. Cette expérience temporelle favorable à la pratique est en lien avec un ressenti, une représentation à la fois socio-spatiale (environnement physique perçu comme adapté), organisationnelle (environnement institutionnel propice) et relationnelle (interactions sociales encourageantes).

L’hypothèse de travail est de défendre l’idée que cette « équation temporelle personnelle » est non linéaire, son résultat (la quantité d’AP ou d’IP) dépendant des opportunités temporelles, des contraintes environnementales, individuelles et sociétales. Cette « équation personnelle » s'inscrit toutefois dans des « régimes de temporalités », considérés non pas comme des visions liées au passé ou à l’avenir (Dubar, Demazière, 2005), mais comme des agencements temporels singuliers, propices à une AP ou une IP.

Méthodologie

Dans chaque pays concerné, 100 lycéens et 100 étudiants de 1ère année seront équipés durant 7 jours d’un accéléromètres actigraph GT3X combiné à un GPS garmin rendant compte de l’espace d’évolution de chaque individu, ainsi qu’un cardiofréquencemètre quantifiant l’intensité de l’exercice à l'instant t. Combinés entre eux, ces différents outils permettront de repérer différents moments d'AP (intensité modérée ou intense) ou d'IP (intensité faible). Les temps sociaux seront repérés par le sujet à l’aide d’un carnet de bord quotidien, sous forme d’application numérique sous android développée par les partenaires de l’université de Sheffield-Hallam (contact : Pr K. Davids). Nous chercherons ensuite à effectuer un suivi longitudinal de la population de lycéen sur une deuxième année. En s’appuyant sur l’equipex equip@meso, l’importante masse de données issue des instruments de mesure sera traitée pour chercher à déterminer d'une part « l’équation personnelle » de chaque individu, mais surtout mettre en évidence des configurations plus favorables à l'AP ou à l'IP.

Résultats attendus

Nos résultats permettront de caractériser la répartition de l’AP et de l’IP selon les temps sociaux de lycéens de terminales et d'étudiants de Licence 1ère année. La dimension internationale du projet permettra de repérer les convergences et les différences entre nations européenne, et mesurer comment les caractéristiques culturelles et sociales influencent cette partition. De plus, nos résultats permettront d'identifier les leviers qui, lors des différents temps sociaux, pourraient permettre d’augmenter l'AP et de limiter IP, lors de la transition engendrée par la fin de la scolarité au lycée. Quatre séminaires de recherches sont prévus pour la mise en place et la régulation du projet, et une jounée d’étude sera organisée. Les recherches seront valorisées via leur présentation dans des congrès internationaux (AIESEP, puis sous forme d’articles (cibles : Sport, Education and Society, scimago Q1– PlosOne, scimago Q1).